Absurdités

Mr. Weatherwax beurrait soigneusement son toast. Sa voix était ferme.

-Ma chère. dit-il, je veux que ce soit clairement entendu: il n'y aura plus de ces lectures abrutissantes dans notre appartement.

-Mais Jason, je ne savais pas .

-Bien entendu, ma chère. Mais il est de votre responsabilité de savoir ce que lit votre fils.

-Je surveillerai mieux. Jason. Je ne l'ai pas vu apporter ce magazine. Je ne savais pas qu'il était là.

-Je l'aurais également ignoré si hier soir, Je n'avais accidentellement déplacé un coussin du sofa. Le périodique était dissimulé en dessous. Et bien entendu je l'ai feuilleté.

Les pointes de la moustache de Mr Weatherwax tressaillirent d'indignation.

-Des notions ridicules. Des idées impossibles. De la science-fiction ! Ah ! Elle est jolie leur science !

Il prit une gorgée de café pour se calmer.

-Ridicules inanités ! Absurdités patentes ! Des voyages vers les autres galaxies grâce à la quatrième dimension! Machines à remonter le temps, téléportation. télékinésie... Fichaise, rien que de la fichaise !

-Cher Jason, dit sa femme avec cette fois une minuscule pointe d'acrimonie, je vous assure que je veillerai dorénavant sur les lectures de Gérald. Vous avez tout a fait raison.

-Merci ma chère. dit Mr. Weatherwax, radouci. L'esprit de la jeunesse ne devrait pas être empoisonné par ces rêveries malsaines.

Il regarda sa montre, se leva avec hâte. embrassa sa femme et sortit.

A la porte de l'appartement. il se laissa glisser lentement dans le puits antigravitation et flotta vers le bas des deux cents étages, jusqu'à la rue où il eut la chance de stopper immédiatement un taxi atomique. II donna au robot-chauffeur les coordonnées de l'astrodrome lunaire. Puis il se détendit et ferma les yeux Pour capter le bulletin télépathique. II espérait entendre des nouvelles de la quatrième guerre martienne, mais ce n'était qu'un rapport du Centre d'immortalité: alors il sprulta.

Fredric Brown.


Contribution de Bernard Petit.